Cet article analyse un mode de gouvernance caractéristique des démocraties libérales européennes : l’adoption de normes intrusives dans la vie quotidienne, toujours justifiées au nom de la vertu (santé, sécurité, protection des enfants, environnement, solidarité humanitaire). S’inspirant de Tocqueville et de Foucault, nous montrons que cette dynamique correspond à un « despotisme doux » ou à une biopolitique paternaliste. Loin d’être accidentelle, elle s’explique par la perte progressive des compétences souveraines des États au profit d’instances supranationales. Moins les États disposent de leviers régaliens, plus ils compensent par un surcroît de réglementation domestique, conduisant à une forme de dérive totalitaire douce, un « soft totalitarisme ».