Simple moine franciscain, puis humble prêtre séculier, ancien résistant, qui avait sauvé des enfants juifs, combattu les armes à la main avant de rejoindre à Londres le général de Gaulle, puis de siéger quelque temps, après la Libération, sur les bancs de l’Assemblée nationale, noyé dans la masse des élus du MRP, émanation politique de la démocratie chrétienne française, l’abbé Pierre, à l’aube de ce 1er février 1954, ne disposait d’aucun mandat, n’était mandaté par aucun parti ni aucune institution, ne jouissait d’aucune notoriété. Ce n’est même pas en tant que chrétien, représentant son Église, mais simplement, mais seulement au nom de la charité, de la solidarité, de l’humanité, porté au-delà de lui-même par le chagrin, la colère et la pitié qu’il appelait à « l’insurrection de la bonté ».
Le succès de son initiative fut foudroyant, on le sait de reste. Il ne lui permit pas seulement d’accéder à une célébrité nationale puis mondiale, mais de recueillir et de faire ruisseler les fonds qui allaient à ses œuvres, et d’abord aux communautés d’Emmaüs, au bénéfice de ceux qui lui tenaient à cœur, des sans-abri, des sans-logis, des sans-argent, des pauvres, parmi lesquels il vivait d’une vie semblable à la leur, sans ambition personnelle, exempt de toute vanité, de toute cupidité, de toute compromission, porteur, en somme, des valeurs et des messages de l’Évangile.